Réussite de l'échec

 ette impression d'être rouillée continue de faire son chemin, accompagnée désormais du tamoxifène pour aider. Plus elle progresse plus je me dis que si Dieu existait il aurait au moins pu du haut de sa bienveillance, nous laisser le droit à l'erreur et ainsi nous permettre de recommencer depuis le début toute existence qui aurait malencontreusement dérapé.

Comme lors d'un concours de chant, ou d'un exposé oral, dire en bredouillant dès les premières syllabes défaillantes "Pardon, je me suis trompée, je peux recommencer ?" Mais Dieu n'existe pas, enfin pour moi il n'existe pas, et du coup la vie doit se supporter sans ce filet de sécurité du droit à l'erreur. Il faut admettre que l'expression "Si j'avais su..." se situe dans le peloton de tête des expressions favorites de ces êtres de chair et d'os dont nous sommes constitués, avec malheureusement un cerveau posant bien plus de questions qu'il ne trouve de réponse.

De mon côté, je contemple la structure de la vie des autres avec autant d'intérêt qu'une construction de Duplo, je dirais même que je suis littéralement passionnée par cette accumulation de legos formant un patrimoine censé repousser un "Si j'avais su !" un tantinet emmerdant dans une société ou l'apparence remporte tous les suffrages et autres convoitises biaisées par la facilité.

Quand on se situe en marge de ce monde remplis de ces symboles dont on est déjà dépourvu, maison, enfant, emploi, voiture et compagnies trônant formidablement par leur absence au cœur d'une existence déjà en bandoulière, et qu'un crabe passe par là, les bonnes résolutions que nous n'avons jamais prises valident la performance du ratage sous tous ses angles. Le "Si j'avais su !" se trouve noyé parmi la multitude d'échecs, et contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas l'abattement qui règne en tête, mais un sentiment de plénitude inégalée, laquelle si elle ne dépasse aucun autre parcours, les vaut bien tous.